Par Madame Maryse Lydie MADIBA ILOUMBOU, Directrice Générale Adjointe de l’Agence Nationale des Infrastructures Numériques et des Fréquences (ANINF).
L’émergence des modèles génératifs de grande envergure, tels que ChatGPT, YandexGPT, Grok ou Midjourney, témoigne d’une maturation significative de l’Intelligence Artificielle (IA) dans le secteur grand public. Cette évolution a favorisé une adoption croissante de l’IA dans les activités quotidiennes des utilisateurs. L’IA, en tant que technologie en constante évolution, exploite les capacités cognitives des machines et des logiciels pour produire des résultats variés, tels que la génération de contenus et la formulation de prédictions, tout en influençant les environnements avec lesquels elle interagit. À une époque où plusieurs nations reconnaissent l’IA comme un des leviers stratégiques pour dynamiser divers secteurs, le Gabon se trouve à un carrefour crucial pour intégrer cette technologie dans son administration afin de rendre celle-ci plus efficace.
Les principaux défis de l’administration publique gabonaise
L’administration gabonaise, se déclinant principalement en administrations publique et privée, a pour mission fondamentale de mettre en œuvre des politiques publiques efficaces et d’assurer le bon fonctionnement des services destinés à la collectivité. Néanmoins, l’administration gabonaise est confrontée à de nombreux défis qui entravent son bon fonctionnement. Si l’administration privée gabonaise a généralement plus de flexibilité pour s’adapter à ses défis (environnement économique volatile, contraintes réglementaires et compétitivité), l’administration publique gabonaise fait face à des défis plus pressants et complexes notamment en matière de gestion de ressources humaines, de passation de marchés publics, de transparence, d’efficacité administrative et modernisation des services publics.
La gestion des ressources humaines s’inscrit comme un défi majeur constant auquel est confrontée l’administration gabonaise. L’absence d’une gestion prévisionnelle des emplois [1,2], des effectifs et des compétences constitue un obstacle majeur et entraîne une mauvaise répartition des effectifs voire une surpopulation d’agents, un dysfonctionnement structurel, et un manque criard d’adéquation entre les compétences des agents et les exigences requises des postes.
Si l’Etat Gabonais souhaite s’affirmer comme transparente et compétitive en matière de bonne gouvernance, un encadrement immédiat de la gestion des marchés publics [3] s’impose inéluctablement. La limitation de l’administration gabonaise concerne la capacité de contrôle efficace des procédures et, un usage abusif des marchés de gré à gré, qui initialement conçu pour des situations d’urgence, s’est normalisé avec pour conséquence une attribution excessive des marchés par entente directe. Ainsi s’est créé un environnement propice à la corruption et au favoritisme, fragilisant la transparence, la concurrence, l’efficacité et, la confiance des citoyens et investisseurs.
Le Gabon au sein de son administration rencontre de nombreuses difficultés qui freinent considérablement son essor et l’efficacité administrative figure parmi l’un des défis majeurs de l’administration gabonaise. Entre culture bureaucratique ancrée, procédures administratives complexes et manque de coordination entre les services, l’administration gabonaise essuie une inefficacité grandissante. Cette inefficacité au sein de l’administration de l’Etat Gabonais provoque une lenteur dans le traitement des dossiers administratifs ou la prestation des services publics, ayant pour conséquences directes : un frein au développement économique de l’Etat Gabonais et une complication dans la relation entre l’Etat et les citoyens.
Le rôle potentiel de l’IA dans l’administration gabonaise
L’IA se définit comme la capacité des machines à exercer un raisonnement autonome, à effectuer des déductions et à prendre des décisions de manière indépendante. Grâce à leur puissance de calcul considérable, les systèmes d’IA ont pour objectif d’assister l’être humain, tout en contribuant à l’amélioration des performances dans les diverses tâches auxquelles ils sont confrontés.
Le Gabon s’engage activement dans l’adoption de l’IA afin de renforcer sa position sur les scènes africaine et mondiale, comme en témoignent divers projets et initiatives tels que le Centre Gabonais de l’Innovation, le Comité National Technique pour l’IA, le partenariat avec Huawei ou l’organisation d’un atelier sous-régional sur l’IA. Bien que des avancées notables soient observées dans les secteurs privé et parapublic, l’administration publique gabonaise accuse un retard dans l’intégration significative de l’IA [4]. Ce décalage ne doit pas occulter les opportunités potentielles pour l’administration publique, qui pourrait tirer parti de l’IA pour relever ses principaux défis et améliorer ses services. En intégrant efficacement l’intelligence artificielle dans son administration, le Gabon a la possibilité de faire face à ses défis majeurs tels que :
- La gestion des ressources humaines à travers une série d’opérations comme l’automatisation du filtrage des CV, la personnalisation de l’apprentissage ou une automatisation des tâches répétitives. L’IA par le biais de l’automatisation des tâches routinières et répétitives aura ainsi la gestion des tâches administratives courantes, permettant ainsi aux agents de se concentrer sur des tâches stratégiques comme des activités plus créatives et innovantes.
- La passation des marchés publics à travers une analyse prédictive, gestion automatique des contrats et réduction des risques. L’IA à travers des modèles d’apprentissage bien entraînés participe à l’amélioration de la transparence à travers des mécanismes intelligents de suivi et de traçabilité. Les systèmes d’IA sont capables de fournir un suivi détaillé des étapes de passation des marchés, garantissant une autonomie en cas de défaillance et une documentation accessible de chaque phase.
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- La modernisation des services publics à travers un apprentissage personnalisé dans le secteur éducatif, une prédiction des épidémies et des traitements médicaux dans le secteur sanitaire ou une mise en place de chatbots dans le secteur judiciaire. Le manque d’efficacité administrative au sein de l’administration gabonaise découle en grande partie d’un retard dans la modernisation des services publics tels que : la fonction publique hospitalière, la fonction publique de l’éducation, les services administratifs divers (Finance, Justice, Agriculture). Ces services publics profiteraient de l’intégration de l’IA dans leur fonctionnement afin d’améliorer leur efficacité.
En somme dans cet article une analyse des défis de l’administration gabonaise auxquels elle fait face a été menée, tout en présentant certaines solutions que peut apporter l’IA dans la résolution de ces défis. Toutefois il convient d’admettre qu’hormis un investissement conséquent qui doit être effectué dans les infrastructures technologiques par l’Etat Gabonais pour garantir une utilisation efficace de l’IA, une intégration de l’IA implique également de nombreux autres défis d’ordre éthique ou d’autonomie humaine sur lesquels une attention particulière doit être portée.
Bibliographie
- Path Patrice MINTSA ONDO. (2024). Obstacles à la Mise en Œuvre de la Gpeec dans l’Administration Publique Gabonaise. (Vol. 8, Number 10, pp. 51–60). Zenodo. https://doi.org/10.5281/zenodo.13944346
- Path Patrice MINTSA ONDO. (2024). Réforme Administrative au Gabon : L’Adoption de la Gestion Prévisionnelle des Effectifs, des Emplois et des Compétences. (Vol. 8, Number 10, pp. 41–50). Zenodo. https://doi.org/10.5281/zenodo.13944420
- Gabon Media Time. (2024). Gabon : encore des défis à relever en matière de passation des marchés publics selon Mo Ibrahim. Consulté à l’adresse https://gabonmediatime.com/gabon-encore-des-defis-a-relever-en-matiere-de-passation-des-marches-publics-selon-mo-ibrahim/
- UNESCO. (2024). Gabon rapport sur l’évaluation de l’état de préparation sur l’Intelligence Artificielle. Consulté à l’adresse https://www.unesco.org/ethics-ai/fr/gabon